Marine Le Pen précise sa pensée sur l'avortement

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"Vous avez dit récemment sur RMC, c’était chez Jean-Jacques Bourdin je crois, que vous ne reviendrez pas sur la loi Veil. Mais vous avez dit vouloir favoriser l’accueil de la vie. Vous n’avez pas pu en parler au cours de cette émission et j’aimerais que vous développiez.

M J’ai toujours tenu ce même discours. Je suis d’ailleurs, je crois, dans la droite ligne du Front national, puisque je rappelle à vos lecteurs qu’en 1986 le groupe de 35 députés à l’Assemblée nationale ne propose pas la suppression de la loi Veil. Ils font une proposition de loi de déremboursement. Et ils ne vont pas plus loin que cela. Ça a toujours été la ligne du Front national [pas tout à fait : le FN a été, sur le fond, abolitionniste, et, dans les faits, attaché à la politique des petits pas comme tout pro-vie, NDMJ]. Je pense que le Planning familial est en contravention avec la loi initiale de 1976 [en fait l'action du Planning familial est en accord avec les lois Aubry de 2001, qui garantissent la promotion de l'avortement mais interdisent l'inverse. NDMJ]. Cette structure est une structure d’incitation à l’avortement. Rien n’est fait dans notre pays pour donner le choix aux femmes de ne pas avorter. Aucune information sur un autre choix que celui-là ne leur est donnée. Aucune aide sociale ne leur est proposée pour pouvoir garder et élever leur enfant dans de bonnes conditions. Je pense donc qu’il faut mettre en place de manière vigoureuse et massive des aides à la famille de manière générale. Parce que la famille est la grande oubliée des politiques actuelles. Je pense à des priorités d’accès aux logements sociaux, à la revalorisation des allocations familiales parce que celles-ci sont très inférieures au coût réel d’un enfant dans notre société. Il faut tout de même admettre que les situations financières dans lesquelles se débattent un certain nombre de familles sont absolument dramatiques. Concernant l’avortement, l’adoption prénatale doit faire l’objet d’une information auprès des femmes qui prennent des renseignements en cas de grossesse non désirée. Les soutiens sociaux, les priorités à l’emploi, aux logements sociaux, doivent être mis en place pour leur permettre de garder cet enfant. Je crois surtout qu’il faut leur donner l’information que cet acte n’est pas un acte anodin. Or le planning familial évoque l’avortement comme un acte anodin, une espèce d’opération chirurgicale sans conséquences physiques ni psychologiques. De manière générale, la société française doit à nouveau se tourner vers le respect de la vie. Aujourd’hui la vie est, elle aussi, traitée de façon anodine. Ce que je reproche à certaines structures catholiques et c’est peut-être un peu le défaut de notre famille de pensée, c’est d’être toujours en train de mener la bataille perdue d’hier. Alors qu’il y a des batailles à mener aujourd’hui et que si nous ne les menons pas, nous allons les perdre aussi. C’est la bataille de l’euthanasie, c’est la bataille de la bioéthique. Plutôt que de s’attaquer à une guerre perdue, celle de l’avortement, il y a maintenant 35 ans, il faut s’attaquer de manière organisée et intelligente aux problèmes bioéthiques.

Mais 200 000 avortements par an, comment peut-on s’y résoudre ?

C’est parce que c’est présenté comme un acte anodin.

Vous pensez que vous ferez baisser ce chiffre par vos mesures politiques ?

Bien sûr ! C’est tout l’objectif qui est le mien : faire baisser ce chiffre pour tenter de le ramener jusqu’à zéro si c’est possible. On a aussi le droit d’essayer d’être malin quand on fait de la politique. Il faut reposer le problème du respect de la vie dans notre société qui est un problème de civilisation. J’ai dit à un de mes amis qui est catholique traditionaliste : «Vous savez, parfois, dans votre manière de faire, vous me faites penser à ces vieilles dames qui achètent du pain tous les jours. Tous les jours elles achètent du pain frais et tous les jours elles terminent d’abord le pain rassis de la veille. Toute leur vie elles mangent du pain rassis.» C’est-à-dire qu’à force de lutter pour des batailles qui ont déjà été perdues, des batailles d’avant, on rate systématiquement les batailles actuelles. Et on se retrouve en permanence en train de mener des batailles d’il y a 35 ans ou des guerres qui ont été perdues.

Il ne faut pas pouvoir dire parfois : «Je ne mange pas de ce pain-là ?»

D’accord. Mais parfois il faut aussi savoir contourner le problème. On a besoin de mettre en place un accueil de la vie. Il faut recréer ce contexte pour être entendu. Si on dit aux femmes : «On va supprimer la loi Veil», il est évident que cette mesure ne pourra pas être mise en œuvre. On verra des femmes aller avorter à 12 km de la frontière. Ce n’est pas notre but. J’essaie de me battre avec des armes qui portent. J’aimerais que ceux qui ont à cœur ces combats-là ne s’arrêtent pas à une de mes positions qui serait caricaturée, mais essayent d’écouter le discours qui est derrière.

Vous êtes pour le salaire maternel ?

Oui absolument. Je suis pour le droit des femmes de choisir de ne pas travailler pour élever leurs enfants. Je pense que c’est essentiel à la structuration de notre société de leur donner ce choix-là. D’autant que plus la situation économique s’aggrave, plus certaines femmes sont obligées de travailler alors qu’elles n’en ont pas le désir. Y compris lorsqu’elles ont des familles nombreuses. Il y a de plus en plus de femmes de trois enfants, de quatre enfants, qui continuent à avoir une activité professionnelle. Si elles le font parce qu’elles le désirent, très bien. Mais si elles y sont forcées, je crois que c’est mauvais pour notre société. On doit mettre en place la possibilité pour les femmes de pouvoir choisir. Elles doivent avoir un salaire maternel, une retraite et tous les avantages d’un travail salarié. [...]"

Source Le salon Beige (de Présent).