L’embryon tas de cellules ou être humain? le point de vue du scientifique

Lu sur le blog Le dingo fureteur
Le moins que l’on puisse dire sur le sujet de l’avortement est que les débats qu’il suscite sont à la fois rares, alors que ce sujet concerne des centaines de milliers de femmes chaque année, et assez âpres, chacun ayant une assez nette tendance à camper sur ses positions.
Dans ce cas, on parle beaucoup de « droits des femmes », de cas extrêmes comme « oui, mais imagine qu’il s’agisse d’une fille de 14 ans qui s’est fait violer »… mais on parle assez peu du premier concerné par cette décision : l’embryon. Un des points très importants de ce problème est de savoir ce qu’il est : en clair, est-il réellement ou non un être humain, ou un simple amas de cellules ? Et il ne s’agit pas de répondre à cette question dans le sens qui nous arrange, avant de passer à la suite en ayant la certitude renforcée d’avoir raison, sans se soucier des conséquences de nos convictions.
De deux choses l’une: ou il est un simple amas de cellules, et l’avortement ne pose de problèmes qu’à ceux qui sont trop bêtes pour le comprendre, ou bien c’est un être humain.
L’est-il ou non?
Je vais déjà commencer par prendre une définition simple de l’être humain : un être humain est un être vivant appartenant à l’espèce humaine. L’appartenance à l’espèce humaine ne sera pas un problème ici : d’une part elle est vérifiée sans problème par une simple analyse de caryotype, mais en plus on se borne ici à examiner le problème de l’avortement chez les êtres humains.
Tout le problème, du reste assez simple, sera de savoir si un embryon humain ou pas est oui ou non un être vivant (je prends le terme "embryon" comme générique, en parlant aussi bien de l’embryon que du fœtus). Un être vivant est un être capable de s’auto-organiser, de maintenir son équilibre, de se reproduire et d’évoluer dans le temps.
I Organisation
Ces termes s’appliquent-ils à l’embryon ? L’embryon s’organise effectivement lui-même : il se développe selon le plan d’organisation contenu dans son propre ADN, et les facteurs de croissance déterminant le devenir des cellules, leur prolifération, leur différenciation et leur migration qui détermineront au final son plan d’organisation sont bien d’origine embryonnaire. Par exemple, en cas de situs inversus (une anomalie de l’organisation embryonnaire qui conduit à inverser la polarité droite/gauche de l’organisme, c’est-à-dire qu’au final tous les organes situés normalement à droite sont à gauche et vice-versa) le gène anormal responsable de cette situation se trouve bien chez l’embryon et non chez sa mère. Il en est de même pour toutes les anomalies de développement d’origine génétique : les causes génétiques ne se trouvent que chez l’embryon, ce qui prouve bien que c’est l’embryon lui-même qui contrôle l’organisation de ses organes.
II Homéostasie et nutrition
L’embryon est-il capable de maintenir son équilibre interne, son homéostasie ? Oui : c’est l’embryon qui régule lui-même sa glycémie, ses taux d’hormones à partir du moment où il en possède, sa prolifération cellulaire, et qui élimine ses déchets (et ce même s’il les élimine dans l’organisme maternel par le biais du placenta : la partie du placenta où s’effectue les échanges est d’origine embryonnaire et non maternelle, et c’est l’embryon qui amène les déchets et s’approvisionne en nutriments à ce moment). Par ailleurs, c’est bien lui qui maintient en place la muqueuse utérine par le biais de l’hCG, en maintenant une sécrétion d’hormones ovariennes maternelles. Toutefois, avant le stade 4 à 8 cellules, l’embryon ne synthétise aucun ARN : le génome, est là, il est fonctionnel, mais l’embryon commence par utiliser des ARNm maternels, sans doute afin d’économiser de l’énergie. A ce moment, l’homéostasie des cellules est assurée par des transports actifs qui agissent au niveau cellulaire. Cela ne suffit pas pour dire qu’il n’y a pas d’organisme : au contraire, si une cellule est endommagée, soit elle se répare, soit toutes les cellules meurent, ce qui prouve bien l’existence de communication entre ces cellules et l’existence d’un système de contrôle pour l’ensemble… Même à ce stade, il y a donc homéostasie.
L’embryon est-il capable de se nourrir ? Déjà, il faut nuancer la proposition : les lionceaux ou les louveteaux ne sont pas capables d’aller chercher leur nourriture eux-mêmes : au début, ils peuvent certes téter, mais au moment du sevrage, ils ne peuvent pas immédiatement chasser, et ce sont à leurs parents de leur apporter la nourriture. Il existe aussi le cas des pélicans qui doivent pré-digérer la nourriture pour la donner à leurs enfants. Dans tous ces cas, ce sont bien des êtres vivants, mais qui ne peuvent pas aller chercher la nourriture eux-mêmes. Toutefois, ils la consomment et la digèrent (j’entends par là que ces aliments passent par un système digestif). Les bactéries, qui sont aussi des êtres vivants, ne possèdent pas de système digestif, toutefois elles ont des enzymes de digestion, ce qui revient peut-être au même. Les végétaux, eux, n’ont pas de système digestif, toutefois ils disposent d’un système pour transformer les éléments recueillis par leurs racines (les sels minéraux) en glucose. On peut donc dire que cette capacité de se nourrir est en fait l’existence d’un système permettant de collecter les nutriments recueillis et si nécessaire à les transformer en molécules utilisables par l’organisme : par exemple, certaines bactéries sont des êtres vivants, même si elles ne transforment pas de nutriments en glucose lorsqu’elles l’ont à disposition.
Est-ce le cas pour l’embryon humain ? Tout d’abord, il possède une ébauche de système digestif qui se met en place vers la 12ème semaine d’aménorrhée et qui se termine vers la 22è semaines d’aménorrhée, mais ce système n’est employé qu’après la naissance (à part en ce qui concerne le liquide amniotique, qui un liquide d’origine strictement embryonnaire). Si l‘on suit ce critère, un embryon n’est un être vivant qu’après la naissance, alors qu’il est parfaitement formé depuis plusieurs mois…
En fait, l’embryon collecte les nutriments qui lui sont nécessaire dans la circulation maternelle par le biais de facteurs de croissance strictement embryonnaires, l’insuline et les IGF (insulin like growth factor) (je ne parle pas ici des IGF placentaires qui ont pour rôle d’augmenter la mise à disposition de nutriments par la mère pour le fœtus, ce qui un rôle assez secondaire). L’embryon n’a donc pas à dégrader les nutriments afin d’obtenir ceux dont il a besoin, et n’a donc pas besoin de système digestif, toutefois il est capable, par le biais de la même hormone, de stocker le glucose ainsi récolté sous forme de glycogène (cela est assuré par la même hormone, l’IGF). C’est du reste bien lui qui régule son apport : si son système d’insuline et d’IGF est déficitaire, il grandira moins et aura un retard de croissance intra utérin. Il a donc un système de recueil des nutriments qu’il régule lui-même, et qui ne dépend de la mère qu’en ce qu’il a besoin qu’il y ait une glycémie normale, ce qui est une condition que la mère doit assurer elle-même qu’elle soit enceinte ou pas : ce n’est donc pas un système de « béquille » que la mère doit mettre en place pour protéger son embryon. On peut donc dire que l’embryon a la capacité de se nourrir, même si son mode de nutrition est dépendant de l’organisme maternel (ce critère ne saurait suffire à lui refuser le titre d’être vivant : les parasites sont dans le même cas… ce qui n’est pas une raison pour affirmer que l’embryon est un parasite comme je l’ai déjà entendu !! L’organisme maternel ne cherche pas à détruire l’embryon (sauf dans des cas rares comme l’iso-immunisation Rhésus, qui est une réaction contre les globules rouges embryonnaires qui sont passés dans le sang maternel) mais à le protéger, alors qu’il cherche à détruire les parasites !!).
Concernant la cellule-œuf, elle ne dispose pas du placenta qui est le moyen de réaliser ces échanges, toutefois elle peut se nourrir par le biais de transport actif, c’est-à-dire de systèmes moléculaires agissant au niveau cellulaire, et consommant de l’énergie (il est du reste notable que l’embryon ne se contente pas d’un système de canaux qui aurait nourri ses cellules par transport passif). Ces systèmes de transport sont contrôlés par la cellule, mais là aussi cela a des répercussions directes sur la survie de l’embryon en cas de problèmes : soit le problème se règle et la cellule se répare, soit l’embryon meure. (à noter qu’à ce stade, il est possible de prélever des cellules embryonnaires sans provoquer la mort de l’embryon, mais à condition que le prélèvement de cette ou ces cellule(s) n’altère pas les autres ; il me semble que ce n’est pas ce qui est fait dans le cas des recherches sur l’embryon, où l’on prélève un embryon congelé pour en prélever toutes ses cellules, ce qui le détruit : il a besoin que ces cellules restent dans leur « enveloppe » la zone pellucide, qui a certes été franchie par le spermatozoïde, mais qui s’est reformée après. C’est aussi en partie à cause de cette zone pellucide, puis de la barrière embryo- ou foeto-placentaire que l’on ne peut pas dire l’embryon fait partie de l’organisme maternel : il en nettement séparé à partir de la fécondation, étant donné que l’arrivée des spermatozoïdes disperse la corona radiata qui était en fait des cellules maternelles qui étaient restées accrochées à l’ovocyte après l’ovulation).
On peut donc en conclure que même à ce stade, l’embryon possède son propre système de nutrition, selon un autre mode qu’après l’implantation mais là aussi dépendant de lui-même et régulé par lui-même excepté en ce qui concerne le maintien d’une glycémie normale par la mère.
III Reproduction
En ce qui concerne la capacité de reproduction, nous avons deux possibilités : considérer que cette faculté n’existe qu’à partir du moment où elle est mature, et donc que l’on devient un être humain qu’à partir de la puberté (sans parler des personnes stériles qui dans cette optique ne seraient jamais des êtres humains, ni même des êtres vivants, ni des êtres vivants normalement asexuées comme les insectes sociables dont seules les reines sont sexuées… ) ou considérer que sur la question qui nous concerne, ce système doit exister ou pouvoir exister au cours du développement. Dans ce cas, il est évident que ce système est codé dès la fécondation par le génome, et qu’il se développera aussi bien pendant la grossesse qu’après. Si ce point est le seul qui pousse à refuser à l’embryon le statut d’être vivant, et donc d’être humain, on doit alors considérer qu’un enfant non plus n’est pas un être humain, ce qui me semble absurde.
IV Evolution dans le temps.
Un des critères les plus faciles… Il signifie soit que l’ESPECE est capable d’évoluer dans le temps, ce qui ne concerne pas tellement l’individu, soit que l’individu évolue au cours du temps, et dans ce cas on parle de modifications ou de développement… et que fait donc l’embryon sinon se développer, changer, se modifier grandit afin de pouvoir être adapté au monde extérieur au moment de la naissance ?
Source : Le dingo fureteur
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