Espagne : Vers un retour en arrière sur l'avortement ?

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Le débat sur l’avortement ne s’essouffle pas en Espagne. Les derniers actes de protestation contre la loi sur l’avortement le confirment. Avec 70% de la population se déclarant de confession catholique, bon nombre d'Espagnols s’opposent à l’IVG et demandent un retour à la loi antérieure. Reste à savoir si les politiques suivraient.

En mars dernier, entre 130.000 et 160.000 personnes avaient manifesté à Madrid contre les lois qui rendent l’IVG plus facile. Sous la banderole "Sí a la vida" ("Oui à la vie"), les manifestants se sont regroupés à l’occasion du "Día internacional por la vida" ("Journée internationale pour la vie"), qui est célébré le 25 mars chaque année.

La loi qui autorise une femme à avorter durant les 14 premières semaines de sa grossesse est la cible des mouvements pro-vie : "le gouvernement a approuvé des lois qui violent la vie humaine dans ses points les plus vulnérables", déclarait Gádor Hoya, la porte-parole de l’association "Derecho a vivir". Cette même association était à la tête d’un mouvement de protestation qui s’est tenu le 4 juillet dernier devant le Congrès espagnol, exactement un an après l’entrée en vigueur de la "loi organique 2/2010 de santé sexuelle et reproductive et de l’interruption volontaire de grossesse", promulguée le 3 mars 2010. 

Du 3 au 10 juillet, les membres de Derecho a vivir ont rejoint les derniers Indignés récalcitrants. Ils ont investi la Puerta del Sol madrilène, où ils ont installé un campement baptisé "Acampadavida". Durant une semaine, les manifestants anti-avortement ont informé les citoyens sur le contenu de la loi actuelle et ont incité ces derniers à signer une pétition contre la loi sur l’avortement. Au total, 13.000 à 14.000 personnes se seraient prêtées au jeu. 

Outre les associations pro-vie, les fervents opposants à la loi sur l’IVG de 2010 sont des représentants de l’Eglise Catholique ainsi que le Parti Populaire. Le leader du parti de droite, Mariano Rajoy, a affirmé en avril dernier vouloir abolir la loi actuelle pour retourner à celle de 1985, qui avait été adoptée sous le gouvernement socialiste de Felipe González. D’autres, plus radicaux, pensent que ce n’est pas suffisant et qu’il faudrait aller plus loin. C’est le cas de Benigno Blanco, Président du Foro Español de la Familia. 

La "loi organique 9/1985" dépénalisait l’avortement dans trois cas précis : thérapeutique (si la grossesse constituait un risque grave pour la santé physique ou psychique de la femme), criminologique (en cas de viol) et eugénique (en cas de malformations du fœtus). La décision reposait en grande partie sur le corps médical, et tout avortement ne rentrant pas dans les trois critères de la loi de 1985 pouvait faire encourir à la femme ainsi qu’aux médecins des peines de prison. C’est là la grande différence avec la loi de 2010, qui laisse à la femme la liberté de décider d’avorter quelle qu’en soit la raison, et concrétise la dépénalisation de la pratique d’IVG pendant les 14 premières semaines de grossesse. 

Source : Amélie HEIDINGER (www.lepetitjournal.com – Espagne) Vendredi 15 juillet 2011