Inde - Un fils avant tout

Le nombre de fœticides féminins a «substantiellement augmenté» depuis 1990 en Inde, confirme une étude parue dans le dernier numéro de la revue médicale Lancet et, qui plus est, la pratique serait plus répandue parmi les couples plus scolarisés et plus à l'aise économiquement que dans les familles plus modestes, contredisant l'idée voulant que le développement du pays freine le recours des Indiens à l'avortement sélectif.
L'étude publiée mardi évalue à entre quatre et douze millions le nombre de filles qui ont été «éliminées» depuis le milieu des années 1980. Elle met particulièrement en lumière la tendance pour un nombre croissant de mères dont le premier enfant est une fille à subir un avortement si l'échographie révèle que le deuxième qu'elles attendent est à nouveau une fille. On y apprend aussi que la majorité de la population indienne vit aujourd'hui dans des États où le recours à l'avortement sélectif est courant, contredisant, là encore, une idée reçue, à savoir que le foeticide féminin est un phénomène qui persiste dans une poignée d'États plus arriérés.
L'étude menée par l'épidémiologiste Prabhat Jha, de l'Université de Toronto, atteste en les creusant les données contenues dans le recensement décennal qui vient tout juste d'être complété en Inde. Ces données ont montré que le sexe-ratio chez les enfants de moins de six ans ne s'est pas amélioré, comme on s'y attendait, mais a chuté de 927 à 914 filles pour 1000 garçons. Le fossé — dont l'avortement sélectif est le principal responsable — n'a jamais été aussi grand depuis l'indépendance, en 1947. L'étude de M. Jha ajoute à la stupéfaction. Elle établit que le sexe-ratio, s'agissant du deuxième enfant quand le premier-né est une fille, a chuté de 906 filles pour 1000 garçons en 1990 à 836 pour 1000 en 2005. Les écarts étaient «beaucoup plus grands» parmi les mères qui ont dix ans de scolarité ou plus que celles qui n'en ont pas. Par contraste, l'étude signale ne pas avoir détecté de «baisses significatives» dans les sexes-ratios quand il s'agit du premier-né de la famille ou dans le cas d'une seconde grossesse survenant quand le premier-né est un garçon.
La détermination prénatale du sexe de l'enfant est interdite en Inde, mais la loi souffre d'énormes problèmes d'application. Une explication souvent évoquée pour tenter de comprendre le recours à l'avortement sélectif a trait aux coûts croissants du mariage liés à la dot, une autre pratique qui est interdite en Inde mais qui persiste largement.
Source : Le Devoir
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