Révoqué pour avoir projeté une vidéo anti-IVG à ses élèves

Après avoir été suspendu quatre mois, un professeur d'histoire-géographie, Philippe Isnard, a été révoqué pour avoir montré à ses élèves une vidéo anti-avortement dont les images sont quasi-insoutenables. La réaction des lycéens et des parents, choqués, avait déclenché l'ouverture d'une enquête.
Le professeur conteste sa révocation sur le site ProVie » : « Mon crime ? Avoir organisé comme nous l'ordonnent les textes, un débat contradictoire. » Selon ce même site, il devrait faire appel devant le tribunal administratif. "Les élèves concernés par mes débats sur l’IVG, sont ceux que l’Education nationale considère comme majeurs sexuellement au point de leurs distribuer des pilules abortives sans l’accord de leurs parents."
Des fœtus déjà largement formés et sortis sans ménagement d'un utérus, des mains ou des pieds en lambeaux, des corps décapités, des débris humains jetés au fond d'un seau… Voilà qui vaut aujourd'hui à un professeur d'histoire-géographie du lycée public des Iscles, à Manosque, Philippe Isnard, d'être suspendu quatre mois de ses fonctions.
Son ministre de tutelle lui-même a prononcé la sentence au micro de RTL. « Ce qui s'est passé est inacceptable, les professeurs sont tenus à un principe de neutralité, de respect de la personne », a martelé Luc Chatel.
La vidéo, projetée une dizaine de jours avant les vacances de la Toussaint, pendant un cours d'éducation civique, juridique et sociale (ECJS) à des élèves de seconde et première, est un film anti-avortement appelé « No need to argue » (« pas besoin de discuter ») et issu du site AvortementIVG.com.
Une gynécologue-obstétricienne à Aix-en-Provence, confirme que ces images ne correspondent pas à la réalité en France. Dans cette vidéo, il s'agit « d'avortements tardifs pratiqués jusqu'à six mois en Espagne et quatre au Royaume-Uni ». Elle rappelle : « Cette opération reste dans tous les cas un drame dans une vie. »
« Ils doivent voir pour se faire leur propre idée de l'avortement »
Joint par téléphone sur son lieu de travail avant la décision du rectorat, le professeur d'histoire-géographie défend sa démarche. Parfaitement droit dans ses bottes, il explique que le but de cette vidéo est purement « informatif, afin que les élèves aient une idée des différentes procédures qui existent dans différents pays européens ». Ajoutant :
« Une immense majorité des élèves est contente du débat qui a eu lieu sur l'avortement ; toute une classe vient d'ailleurs de refuser de témoigner contre moi. »
Fiametta Venner, politologue et rédactrice en chef de la revue ProChoix, analyse :
« Pour les “pro-vie”, le but de telles manœuvres est toujours le même : culpabilisation des jeunes filles et recrutement des garçons. Ainsi, à mesure que les jours passent, les élèves vont le défendre et vont être de moins en moins nombreux à trouver la vidéo choquante. »
Avant l'annonce de sa suspension, Philippe Isnard s'indignait déjà d'être l'objet de ce qu'il appelle « une enquête policière au sein de l'établissement » :
« Nous sommes dans un Etat totalitaire, les seules opinions qui peuvent s'exprimer sont celles de l'Etat. Lorsqu'on se pose en faveur de l'avortement, c'est normal, mais si on essaye d'instaurer un vrai débat critique et contradictoire, là, c'est mal ! »
L'enseignant admettait la violence des images mais affirmait :
« Lorsqu'on montre les camps de la mort, c'est tout aussi choquant ! L'avortement existe, ils doivent voir pour se faire leur propre idée. Alors on peut choisir de le décrire verbalement ou montrer des images, cela revient exactement au même. »
Un enseignant coutumier du fait
Philippe Isnard tentait encore de se dédouaner, en assurant qu'il avait recommandé à ses élèves de sortir, s'ils ne pouvaient soutenir ces images difficiles et réfute les avoir notés absents. Il dit avoir distribué le discours de Mme Veil et le texte de loi lui-même.
L'enseignant avait déjà suscité la polémique au sein des parents d'élèves des Iscles. Katy Escallon, membre de la Peep (la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public), a rappelé au cours du dernier conseil d'administration de l'établissement, le 8 novembre, qu'elle avait déjà signalé des faits similaires il y a deux ans. Sans résultat. Le proviseur lui avait assuré qu'aucune vidéo n'échappait à sa vigilance.
« Je crois qu'en réalité, il n'avait pas vu la vidéo ; j'aurais dû aller plus loin », regrette aujourd'hui cette mère, dont la fille « avait été très choquée ». Le proviseur, gêné, a reconnu ce jour-là avoir en sa possession plusieurs courriers de parents évoquant le prosélytisme pratiqué par l'enseignant en classe. L'année dernière, après la diffusion d'une vidéo similaire, il avait d'ailleurs demandé au rectorat de diligenter une inspection qui n'a pas abouti.
Ce sont les parents de Charles, tous deux enseignants qui ont réagi les premiers. Au courant des agissements du professeur et des vidéos qu'il a l'habitude de diffuser, ils conseillent à leur fils de refuser de visionner le moindre film.
Quelques jours plus tard, le lycéen sort de la classe au moment de la diffusion de la vidéo et va informer la conseillère principale d'éducation, mais le professeur refuse l'entrée de sa classe à la CPE. « Catastrophés », les parents envoient la vidéo par e-mail à des parents, aux professeurs et à Fabienne Bazin, tête de liste FCPE qui demande aussitôt d'intégrer cette question à l'ordre du jour du conseil d'administration du 8 novembre et envoie à son tour le lien au proviseur, qui informe le rectorat.
La détermination des parents et les images de la vidéo font leur effet. Un inspecteur pédagogique régional rencontre Philippe Isnard. et une cellule de soutien psychologique collective, puis individuelle est mise en place par le proviseur et l'infirmière.
Le rectorat se veut rassurant, arguant que « l'inquiétude des parents a été entendue », tout en nuançant : « C'est à l'institution de déterminer une sanction, pas aux parents d'élèves. » Elle est toutefois allée dans leur sens avec cette mise à pied provisoire, qui pourrait précéder une sanction plus lourde.
La révocation, c'est en tout cas le souhait de certains parents d'élèves qui, dénonçant « un prosélytisme religieux constant », ont demandé à leurs enfants de ne plus suivre les cours de l'enseignant incriminé et font circuler une pétition afin « rétablir les conditions d'un enseignement public de qualité, véritablement laïc, et respectueux des enfants. »
Drôle d'affaire qui serait un cas d'espèce dans l'académie Aix-Marseille, si l'on en croit le rectorat. Ce que confirme Fiammetta Venner, du magazine ProChoix :
« On sait qu'il y a eu des diffusions de telles vidéos dans les lycées privés, mais dans le public, c'est extrêmement rare voire inédit. »
Retour du mouvement pro-vie
Pour Fiammetta Venner, cette affaire est symptomatique d'un retour du mouvement pro-vie en France. « Il a retrouvé une puissance équivalente à celle qu'il possédait dans les années 80. »
Deux raisons expliquent selon elle le phénomène :
- « L'arrivée de Benoît XVI à la tête de l'Eglise catholique a renforcé la position des traditionalistes chrétiens en entamant une guerre avec les modernistes ;
- les associations pro-vie américaines sont plus efficientes et plus actives depuis l'arrivée d'Obama. »
Cette tendance, on la retrouve en France. La Toile constitue un outil de propagande idéal pour ces associations. La rédactrice en chef de ProChoix le confirme : « Il y a plusieurs sites anti-avortement sur le Net. SOS IVG par exemple, ou SOS Bébé. » Ou le site qui héberge cette fameuse vidéo.
Source : Rue89
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