IIVG : la suppression du délai de réflexion votée après des débats épiques

L’Assemblée nationale a adopté mercredi la suppression du délai de réflexion obligatoire de sept jours avant un avortement. Après un premier assouplissement l’année dernière, avec la suppression de la notion de détresse, la procédure sur l’interruption volontaire de grossesse est en passe d’être à nouveau simplifiée. Le sujet, lui, continue de diviser.
En 1975, la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, votée à l’initiative de Simone Veil, avait déjà été adoptée dans la douleur. Aujourd’hui, sa simplification crispe les débats. L’idée, proposée par Catherine Coutelle, députée PS et présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, est de supprimer le délai de réflexion de sept jours obligatoire entre les première et deuxième consultations médicales. Délai qui peut être réduit à 48 heures en cas d’urgence, lorsque la limite légale de 12 semaines de grossesse approche.
"Une destruction de l’équilibre de la loi 1975"
Hier, les députés ont adopté cet article à main levée et ont rejeté, par 40 voix contre 22, les amendements déposés par l'UMP et l'UDI. Tous les députés de l’opposition présents se sont élevés contre cette disposition. « Vous êtes en train de détruire, par idéologie, l’équilibre de la loi de 1975 entre la protection de la vie à naître et la liberté des femmes », a ainsi estimé Xavier Breton (UMP). Bernard Debré (UMP) s’est lui aussi opposé à l’article, jugeant utile le délai de réflexion pour une femme « poussée par son compagnon à avorter ». François de Mazières (apparenté UMP) s’est, quant à lui, fendu d’une métaphore surprenante : « Quand vous achetez une voiture, vous avez quelques jours de réflexion. Ne considérez-vous pas que quand il y a une IVG, il n’y a pas la nécessité de prendre le temps de la réflexion ? »
« Cessez de prendre les femmes pour des voitures ! » a rétorqué la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Au départ favorable à une simple réduction de deux jours du délai de réflexion, et non à sa suppression, elle a toutefois défendu l’article en séance. Estimant tout d’abord que « l’équilibre de la loi Veil n’a pas vocation à être figé pour l’éternité » puisque « la société a évolué », elle a ensuite argué du fait que selon elle celle qui souhaite avorter a déjà longuement réfléchi. « Une femme qui a pris sa décision n’a pas besoin de délai, et pour une femme sous domination, ce délai ne la sortira pas de sa domination. » Si certains estiment qu’un temps pour réfléchir est nécessaire pour mesurer la gravité de cet acte, d’autres considèrent qu'il s’agit d’une façon de culpabiliser encore plus les femmes et que cela générerait des traumatismes. Le délai « est souvent vécu dans une grande solitude », relève à cet égard la rapporteure du projet de loi, Bernadette Laclais (PS).
Vers une suppression de la clause de conscience des médecins ?
Catherine Coutelle avait d’ailleurs proposé d’aller encore plus loin dans l’assouplissement de la loi, en précisant qu’en 1975 Simone Veil « a été forcée de faire des concessions pour rassurer les députés réticents : faire figurer la notion de détresse, le délai de sept jours et la clause de conscience ». Si la notion de détresse a été retirée du texte l’année dernière et si le délai est en passe de l’être, reste la clause de conscience permettant aux médecins de refuser de pratiquer l’avortement, que la députée avait proposé de supprimer en vain en commission. Elle n’a pas défendu d’amendement en ce sens lors des débats. En revanche, l’Assemblée a aussi adopté, avec le soutien du gouvernement, un amendement autorisant les centres de santé, qui, jusqu'à présent, ne pouvaient réaliser que des IVG médicamenteuses, à pratiquer des IVG instrumentales (par aspiration). Ces dispositions figureront dans le texte du projet de loi santé qui sera soumis mardi prochain à l’Assemblée avant de partir au Sénat.
Source : Le figaro madame