Cameroun : des étudiants en médecine pratiquent des avortements clandestins

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Les opérations se déroulent très souvent dans leurs chambres du quartier Bonamoussadi. Les interruptions volontaires de grossesses (Ivg) se pratiquent dans des chambres du quartier estudiantin appelé Bonamoussadji. Les pratiquants seraient, selon les habitants de la Cité, des étudiants de sixième année de la Faculté de médecine et de sciences biomédicales de Yaoundé I.

La zone est connue comme le fief des avortements et l’information circule de bouche à oreille. Le Jour a enquêté mercredi 6 mai dernier dans l’une des mini-cités du quartier. Les filles qui se font avorter n’osent pas se dévoiler ni en parler. Un étudiant en médecine rencontré à Bonamoussadi témoigne : « Il y a deux semaines, nous avons admis une jeune fille de 16 ans au Centre hospitalier et universitaire de Yaoundé. Elle saignait abondamment et risquait de mourir. Elle a avoué que l’un des ses cousins, étudiant en médecine, lui a administré des injections et lui a fait boire des comprimés. Ce qui a déclenché le saignement ».

Ces étudiants en médecine pratiquent des interventions en fonction de l’âge de la grossesse. Nous nous sommes fait passer pour une candidate à l’avortement et avons rencontré un autre étudiant en médecine. Il nous explique : « A huit semaines de grossesse, on peut pratiquer les Ivg en administrant des comprimés. La fille prendra un comprimé par voie orale et un quart de comprimé qu’elle utilisera par voie vaginale. Un ou deux jours après avoir ingurgité ce comprimé, suivront des contractions douloureuses de l’utérus. Elle perdra abondamment des caillots de sang et le fœtus sera extrait ».

Cet ’étudiant fait avorter en moyenne deux à trois filles par mois. « Je peux avoir deux ou trois filles par mois, mais je pratique exclusivement sur des personnes qui me sont proches », explique-t-il. Les prix des Ivg varient en fonction de l’évolution de la grossesse. 14 000F pour des grossesses de huit semaines ; 30 000 à  40 000F pour celles de quatre mois et plus. Dans les cas de grossesses avancées, ils recourent aux instruments tels que aspirateurs, pinces, curettes, gants de mains et opèrent dans des chambres non stérilisées.  L’alcool de 90° est utilisé pour désinfecter les outils d’opérations.
 
En ce moment, certains étudiants en médecine contactent des infirmiers, dans des hôpitaux et se mettent en complicité avec eux pour effectuer l’opération. Pour le Dr Pierre Tebe, médecin obstétricien et par ailleurs vice doyen de la Faculté de médecine et de sciences biomédicales à l’université de Yaoundé I, les conséquences peuvent être graves : « on peut avoir des inflammations pelviennes chroniques, des perforations de l’utérus et  de la vessie, des dommages au niveau des trompes et des ovaires. La femme ne peut plus concevoir, au pire des cas, elle trouvera la mort par hémorragie».

Selon une source, certains enseignants de la Faculté de médecine sont au courant de ces pratiques mais aucune enquête n’a été initiée jusqu'à ce jour. « Je suis effectivement au courant des pratiques d’Ivg à  Bonamoussadi, mais je n’ai pas fait d’enquête. Je dis néanmoins à mes étudiants de respecter la déontologie du métier », affirme Dr Pierre Tebe.