Les suisses n'en peuvent plus d'avorter les italiennes

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Au Tessin, le tourisme de l’avortement se porte bien. Et cela ne plaît pas à tout le monde. Pour preuve, cette interpellation déposée ce mois-ci au Grand Conseil par cinq députés de droite, qui dénoncent la multiplication des IVG pratiquées sur des Italiennes dans le canton. Les chiffres, en effet, sont éloquents: en 2008, 206 femmes ont traversé la frontière pour avorter au Tessin, soit près de deux fois plus qu’en 2006. Une augmentation qui explique à elle seule la hausse du nombre total d’interruptions de grossesse pratiquées dans le canton.

A l’origine de cette hausse, les difficultés croissantes que rencontrent les femmes italiennes pour avorter dans leur pays. Aujourd’hui, plus de sept médecins sur dix refusent de pratiquer l’IVG dans la Péninsule. En Lombardie, sous l’impulsion des mouvements pro-vie, il n’existe plus un seul patron d’hôpital public favorable à l’avortement. Et les rares établissements qui le tolèrent doivent importer depuis l’étranger la pilule abortive (RU486), avec des délais d’attente de plusieurs semaines.

«A Milan, on m’a traitée d’irresponsable, raconte Ianira, 25 ans. A Locarno, le médecin s’est tout de suite montré professionnel et soutenant.» C’est cette complaisance relative des médecins suisses à l’égard des patientes italiennes qui scandalise les anti-avortement tessinois. «Nous sommes beaucoup trop laxistes, s’indigne le démocrate-chrétien Carlo Luigi Caimi, principal auteur de l’interpellation déposée récemment au Grand Conseil. La procédure pour les étrangères est très expéditive: les médecins qui accueillent ces femmes acceptent automatiquement l’intervention sans même leur proposer d’alternative. Ils devraient au moins chercher à leur faire admettre qu’il y a d’autres solutions que l’avortement.» Pour le président de la section tessinoise de l’association «Oui à la vie», la plupart des patientes changeraient d’avis si le médecin prenait la peine de leur rappeler qu’il existe, en Italie comme en Suisse, des aides étatiques pour celles qui choisissent de renoncer à l’avortement.

«Comme en Italie, il y a actuellement une vague conservatrice au Tessin, déplore l’ex-député socialiste Franco Cavalli. C’est dû en partie à l’influence des télévisions italiennes contrôlées par Berlusconi et qui relaient les idées des catholiques fondamentalistes. Aujourd’hui, s’il y avait une votation sur l’avortement au Tessin, la majorité des gens y seraient opposés.»

 

Source : LeMatin.ch